Fuir l’Irak, à Ottawa

By Sophia Tewa

Bronx Journal Staff Writer

Plus de 5.500 soldats américains ont fuit l’Irak depuis le début de la guerre, soit 11% des forces armées. D’après le Pentagone, ces militaires seraient entre 200 et 1.000 à avoir cherché refuge au Canada.  Beaucoup tentent aussi de rejoindre l’Europe, principalement la France, l’Espagne, l’Allemagne via la Turquie; bien qu’aucun des pays européens opposés à la guerre en Irak ne leur ait reconnu le statut de réfugié.

Au Canada, principale destination des déserteurs, sept GI’s réclament à visage découvert le statut de réfugié. Mais la majorité vit cachée dans les environs de Toronto ou Vancouver, par crainte d’être arrêté et expulsé du territoire. La plupart d’entre eux traverse la frontière aux chutes du Niagara, confondus parmi la masse de touristes.

Des milliers de soldats tentent chaque année d’echapper aux combats en faisant appel à l’objection de conscience, à l’absorption de drogues dans le but d’être pris sur le fait ou à une fausse revendication d’homosexualité. Certains ont recours à des moyens plus extrêmes et se blessent volontairement dans l’espoir d’être rapatriés ou font le choix de la désertion.  Le risque est gros: aux États-Unis, un  soldat qui a abandonné son poste risque entre cinq à dix ans d’emprisonnement  et dans certains cas,  encourt la peine de mort.

Le Canada, fervent opposant à la guerre, a été une terre de refuge pour plus de 50,000 Les conscrits réfractaires et déserteurs militaires durant la guerre du Vietnam. Aujourd’hui pourtant toutes les demandes d’asile déposées ont éte rejetées par les autorités canadiennes. Le gouvernement, dirigé par le conservateur Stephen Harper, est réticent à leur accorder le statut de réfugié car, à la différence des vétérans de la guerre du Vietnam, les forces armées américaines installées en Irak sont constituées de soldats professionnels volontaires, et non de conscrits.

Ces expatriés n’ont donc d’autre choix que de demander asile au titre de la Convention de Genève. Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés stipule en effet qu’un déserteur peut devenir un réfugié si le conflit dans lequel il a été engagé est condamné par la communauté internationale  et violent les principes humanitaires.

Brandon Hughey est un des sept à avoir déposé une demande d’asile, dénonçant l’illégitimité de la guerre en Irak. Il a déserté les rues de Bagdad pour se réfugier au Canada en Mars 2004 et en Juin 2005, la Commission d’Immigration et du Statut de Réfugié du Canada, a rejeté sa requête; il attend aujourd’hui la réponse de son appel devant la Cour Fédérale. “Je pense que si un soldat a reçu un ordre qu’il sait non seulement illégal, mais aussi immoral, il a la responsabilité de refuser cet ordre,” écrivait Hughey dans le San Angelo Standard-Times.

Bien que le Canada ait participé à la guerre en Afghanistan, les autorités du pays, de même que le gouvernement français, ont refusé d’envoyer des troupes en Irak. L’opinion publique soutient aussi majoritairement les déserteurs, leur pourvoyant emplois et logements. Cette attitude est vue d’un très mauvais oeil par les médias conservateurs américains tel que Fox News qui suggérait récemment un boycott des produits canadiens si les “traîtres rebelles” n’étaient pas rapatriés.

“Je suis parti en Irak avec un but, pensant y trouver un nouveau Hitler,” témoignait dans un récent entretien, l’ancien soldat de première classe Joshua Key, ayant déserté l’Iraq pour le Canada, “mais il n’y avait aucune arme de destruction massive. Et j’ai commencé à me poser des questions. »

La GI Rights Hotline, reçoit plus de 3,000 appels par mois – contre  un à deux appels par semaine en 2001 – de la part de soldats s’interrogeant sur leur droits à se retirer du conflit. L’absence d’armes de destruction massive en Irak, la controverse autour de l’utilisation de la torture contre les insurgés irakiens, ainsi que le prolongement imprévu de la guerre, ont en effet installé le doute dans l’esprit de beaucoup de militaires et sans renouvèlement des troupes, le nombre de déserteurs est sans doute appelée à augmenter dans les prochains mois.

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